Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

mercredi 31 décembre 2014

Jour 37

LE RÊVE

Arnaud fait des essais sur des pièces de taille moyenne. Il note scrupuleusement tout ce qu’il fait pour pouvoir reproduire sur ses grands plats dans une prochaine cuisson. J’admire sa précision. Il fait des superpositions d’émaux de base, et puis il pose des décors au pinceau avec des oxydes purs. 

L’ambiance est calme, tout le monde est très concentré sur son travail. Le moment est crucial. On peut avoir façonné une pièce magnifique qu'on peut ruiner avec une mauvaise pose d’émail. Et une fois que tout cela est fait, reste encore la cuisson; c’est elle qui aura le dernier mot.

— As-tu déjà fait des cuissons de réduction? demandé-je à Paola.
— Oui, j’ai un four à gaz. Et puis je fais aussi du raku, tu sais.
— Ah, mais ça m’intéresse, ça! m’éxclamé-je.
— Pas de problèmes, si tu veux, on peut en faire. 

La réduction est une cuisson où l’on étouffe l’arrivée d’oxygène à un moment donné. Il faut pour cela un four à gaz qu’on dit «à flamme renversée». Il y a généralement quatre brûleurs sous le four qui envoient la flamme par la sole. 

Le four est construit en laissant un espace au milieu, il y a donc deux colonnes de pièces à cuire. On pose les pièces de même taille sur le fond du four, puis quatre piliers en matière réfractaire qui dépassent le moins possible la hauteur de ces pièces, et on pose une plaque. Et on recommence jusqu’au sommet du four. C’est toujours un casse-tête. Il faut à la fois construire un four compact et tenter de mettre toutes les pièces à cuire. Sauf que pour pouvoir construire un four idéal, généralement, on attend d’avoir trop de pièces, histoire d’avoir le choix. C’est pourquoi la poterie est un travail sans fin et qu'il est impossible de vouloir obtenir un objet fini en peu de temps.

Pour la cuisson de réduction, la flamme arrive par le bas du four, puis monte jusqu’au sommet. Elle redescent par l’espace laissé au milieu et s’échappe par la cheminée dont le regard est en bas, au fond du four. Il faut un tirage adéquat pour que la flamme soit visible à la sortie de la cheminée. Vers 900°, on ferme la trappe d’arrivée d’air d’un tiers environ. Ça fume noir un moment, et puis la flamme change de couleur, elle passe du jaune au bleu et devient transparente. Dès lors, pour s’alimenter, le feu va chercher l’oxygène dans les matières, changeant ainsi leur formule chimique. C’est ainsi que le cuivre passe du vert tendre au rouge sang de bœuf et que l’oxyde de fer, une fois réduit, devient céladon. La flamme étant dynamique, elle peut laisser des traces sur les pièces, certains endroits étant parfaitement réduits, d’autres étant oxydés. C’est une cuisson qu'il faut maîtriser, contrairement à la cuisson électrique où la programmation automatique s’occupe de tout et qu'on peut faire la nuit.

Le raku est encore une autre technique. Là, on fait cuire les pièces et on les sort du four à 1000° quand elles sont incandescantes avec de grandes pinces et des gants qui couvrent les avant-bras. On les trempe dans de la sciure ou on les laisse à l’air libre. Le choc thermique et le contact avec la sciure produit un enfumage rapide, une réduction qui transforme et craquèle les émaux. Il faut que la pièce soit modelée parfaitement pour supporter le choc thermique, et pour cela, on utilise une terre chamottée.

Séduite par la proposition de Paola, je me mets immédiatement à fabriquer des pièces en vue d’une cuisson raku. Je me réjouis déjà.














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