Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

samedi 21 février 2015

Jour 86

LE RÊVE

Les vacances de Viviane touchent à leur fin, ses parents vont venir la chercher en fin de matinée. Nous avons opté pour un brunch collectif, histoire de savourer ses derniers instants avec nous. L’ambiance est très joyeuse autour de la table, les plaisanteries fusent, c’est du condensé d’amour.

Elle s’en va avec une meilleure stabilité intérieure. Les discussions avec les uns et les autres lui ont donné de la force. J’ai le sentiment qu’elle a enfin capté son essentiel. Elle est en connexion avec elle-même, avec son âme. Même si elle doute encore beaucoup d’elle — on ne devrait jamais douter de soi — elle dégage une lumière différente. Elle est plus calme, je la sens apte à faire face avec la certitude qu’elle a des moyens pour le faire, ce qui est un énorme progrès par rapport aux premiers jours où je l’ai rencontrée.

— Tu as l’air beaucoup plus sereine qu’il y a quinze jours à Malaga, lui dis-je.
— Je le suis, me répond-elle avec assurance. Ce que vous m’avez dit sur moi et sur mes parents m’a bien aidé. Et puis je vous ai vu être vous-mêmes pendant ces quinze jours, ça m’a donné l’exemple. Maintenant, je vais plus m’écouter moi. Je vais mieux savoir discuter avec mon père, tout ce que vous m’avez dit et montré sur la communication non violente va beaucoup m’aider.
— Oui, rappelle-toi, pas de « tu, tu, tu », dit Arnaud en faisant semblant de la tuer, mais « je ». Ça fait toute la différence.

Nous avons passé de longues heures à expliquer et appliquer la communication non violente. Ce sont des formulations différentes pour un même discours, qui font que les reproches disparaissent pour ne laisser que le fond des problèmes. Nous l’avons aussi aidée à voir ce qui partait d’elle dans ses relations conflictuelles en lui expliquant que nous sommes entièrement créateurs de la réalité que nous vivons. Répondre au conflit par le conflit, c’est le co-créer. L’issue, c’est de ne pas donner prise au conflit. Il ne peut exister que si les deux parties jouent le jeu. Nous parlions d’une relation difficile qu’elle a eue avec une copine d’école:

— Ouais, mais attends, quand elle m’agresse, c’est obligé que je l’agresse.
— Non.
— Merde, mais elle n’a pas à m’agresser! Si je ne dis rien, elle va continuer.
— On ne te dit pas de ne rien dire, mais de répondre très calmement. Plus elle t’agresse, plus tu es calme. Tu peux carrément lui dire: «écoute, aujourd’hui, il fait beau, j’ai envie de prendre la tête avec personne, alors reviens demain ou après-demain». 

Ça l’a fait rire. Elle s’est mise à imaginer des dialogues de court-circuit de l’agression et nous avons passé un bon moment à rigoler à inventer les réparties les plus loufoques.

— Ah oui mais quand elle me nargue avec mon ex, je ne supporte pas. Je lui casserais bien la tête.
— La solution, c’est de faire le scénario à l’avance. Par exemple, tu visualises la prochaine fois qu’elle te nargue et tu te fais le film dans ta tête. Tu respires un grand coup, tu décides que ça ne te fait rien.
— Alors ça, ça n’arrivera jamais!
— Mais si. Projette-toi dans seulement cinq ans, ou dans dix ou quinze ans, avec un super mec et des enfants géniaux. Quand tu te souviendras de Lydie, tu rigoleras. D’ailleurs, tu t’en souviendras même plus…
— Ouais, t’as sûrement raison.
— Alors en attendant, tu décides que ton ex, c’est plus ton problème, et que cette Lydie ne fait pas partie de ton monde. En anglais, ils disent fake it until you make it. Ça veut dire…
— Fais semblant avant que ce ne soit vrai, j’ai compris.
— Pour t’encourager et sortir de la colère, imagine-toi que tu es une actrice qui joue un rôle: celui de la grande sage qui gère ses émotions et ne se laisse pas mener par elles.

Les parents de Viviane débarquent alors qu’elle exprime encore sa gratitude et le plaisir qu’elle a eu avec nous. Mathilde nous salue chaleureusement. Elle a l’air détendue, elle est bronzée, on dirait qu’elle a bien profité de ses vacances. Charles est tout bronzé, lui aussi, et à peine est-il sorti de la voiture que l’ambiance se fige. Ce mec a le don de prendre et d’usurper le pouvoir. Nous le laissons pomper un peu, si ça peut le rendre fréquentable. Nous proposons un café qu’ils acceptent volontiers. Sans nous donner le mot, nous lui envoyons une surdose d’énergie et d’attention. Il commence par se pavaner dedans, monopolisant la conversation pendant plusieurs minutes, toujours en se raclant la gorge, en parlant de plus en plus lentement et doucement. Et comme nous redoublons de don d’énergie, il finit par se lasser et se tait. La conversation dévie, et il devient aussi inerte qu’un tronc d’arbre en bout de table, tristement seul drapé dans son ego blessé, un linceul duquel il ne veut décidément pas sortir.

Viviane embarque ses affaires dans le coffre de la voiture, c’est le moment des adieux.
— Je reviens aux prochaines vacances, moi, c’est sûr!
— Tu seras évidemment la bienvenue, ma chère, lui dit-on à la cantonade.

Je surprends un regard en coin de Charles qui indique que ce n’est pas forcément gagné. Connaissant Viviane, je pense qu’elle a désormais de quoi convaincre son père pour obtenir ce qu’elle veut.


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