Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

lundi 22 décembre 2014

Jour 28

LE RÊVE
Arrivés au village indiqué, nous avons été dirigés vers un parking, puis nous avons suivi les gens. Nous avons atteint une petite forêt pas très dense; la fête ne se passe pas sur une plaine, mais dans une clairière. Il y a là quelque trois cents personnes, l’ambiance est joyeuse.

L’information annonçait que la fête démarrait à midi. Nous arrivons en fin d’après-midi, la célébration proprement dite étant annoncée à 22h, le solstice ayant lieu aux alentours de minuit. Nous nous mêlons à la foule. Un téléphone arabe nous informe qu’on ramasse du bois pour le feu, nous nous y mettons avec les autres. Un tel ramassage effectue un joli nettoyage de la forêt, nous ramassons tout ce qui est par terre pour l’entasser en bordure de la clairière. Après une heure de ramassage, nous nous approchons du buffet. Nous y déposons les tartes et pâtés que nous avons confectionnés ce matin, et nous nous servons à boire et à manger.

Aucun animal n’a été tué pour cette fête. Voilà encore une évolution qui s’est faite d’elle-même. Il est devenu de plus en plus incongru de manger nos amies les bêtes, alors petit à petit, on a cessé les élevages prévus pour la boucherie. On n’est pas tombé non plus dans l’intégrisme, ceux qui aiment la viande vont désormais chasser ou alors, ils élèvent eux-mêmes le porc, le bœuf ou le poulet qu’ils mangeront ensuite. Devoir faire cela a dissuadé bien du monde d’être carnivore; cependant, il y a quelques maisons dans le Réseau connues pour élever des animaux, les tuer dignement et savourer leur viande avec gratitude. En général, on y séjourne dans le but de se faire une cure de protéines animales et de plaisir raffiné, car la viande a ainsi une saveur incomparable.

Il est vingt-et-une heure quand on allume le feu. Une heure plus tard, le petit groupe de gens qui ont organisé la célébration prennent la parole. En portugais.

— Zut, je comprends rien, dis-je à Arnaud.

Lui non plus. À côté de moi, un jeune d’une vingtaine d’années tout au plus capte ma remarque. Il me sourit et commence à traduire avec un accent chantant. Nous en profitons pour faire connaissance. Il est de la région. Il vit dans un petit village avec sa famille, ils entretiennent leur maison et leur jardin potager. Il fait des études de langue, il voudrait voyager et connaître la langue de chacun des pays où il veut aller. Il pense qu'il lui faut acquérir encore un peu de culture et de maturité pour voyager «bien», comme il le dit. Je lui rétorque qu'une telle intention dénote déjà une belle maturité.
Au milieu de la clairière, une magnifique jeune femme habillée traditionnellement dans un style celtique explique qu’on va entretenir le feu toute la nuit et au petit matin, on saluera le lever du soleil qui reprend sa course vers plus de lumière. Il y aura des célébrations inspirées de ce qui nous reste de notre terroir européen — le celtisme — et adaptées à notre monde actuel. Ce sont principalement des rituels qui invitent à sortir de l’intériorisation des dernières semaines pour renaître à la vie, en conscience, après avoir fait le bilan de l’année écoulée. Nous sommes invités à penser à ce que nous voulons pour l’année qui vient, à lâcher ce que nous ne voulons plus.

Après cela, les rituels commencent. Le jeune Pablo continue à traduire, mais je lui dis gentiment que ce n’est plus la peine. Ce qui se passe est suffisamment éloquent, la langue est mélodieuse, les chants et les danses suffisent à me ravir. Et puis nous sommes invités à nous mêler auxdits chants et danses, et la langue des corps suffit largement à communiquer entre nous.

La fête est à la fois joyeuse, dynamique et solennelle. Les gens sont vrais, les sourires sincères, la joie enfantine. Tout est naturel. Il y a des gens à l’écart qui ne dansent pas et qui, pourtant, font partie de la fête. D’autres mangent et boivent encore, ça me rappelle les festivals de musique, sans l’abus d’alcool et avec un petit quelque chose de spirituel en plus qui procure une vraie jubilation.

L’abus des substances de shoot a disparu également. Plus besoin de paradis artificiels dès lors que nous avons commencé à l’installer au quotidien (le paradis). D’ailleurs, avec l’hygiène de vie que nous pratiquons, nos corps ne supporteraient plus. Ce soir, par exemple, l’alcool est festif et joyeux, sans plus. Personne n’a plus l’idée se souler à se rendre malade, on y perdrait tout le plaisir de la fête.

Quand le jour pointe, tout le monde se dirige sur la petite colline voisine, afin de voir le lever du soleil dès qu’il émergera de l’horizon. Nous passons quelques minutes silencieuses, tant à cause de la nuit blanche que de la magie de l’instant. Quand le disque orange se présente, une chorale entonne un chant très doux. Puis des chants que tout le monde connaît et qui rassemblent, comme Imagine de John Lennon, et We are the world de Michael Jacskon, entre autres. Manque plus que Kumbaya...

Puis, petit à petit, les gens s’en vont après avoir vérifié qu’ils n’ont rien laissé comme pollution derrière eux. Le matériel prévu pour la fête est rangé en rien de temps grâce à la considération de chacun et de tous.

Notre petit groupe de quatre additionné d’un couple d’Italiens et de trois jeunes Espagnols restons un instant. D’autres groupes épars traînent alentour qui n'ont pas envie de mettre fin à l'instant. Nous nous sentons bien ensemble et discutons à voix douce, la fatigue commençant à se faisant sentir. D'ailleurs, Ana s’est endormie il y a déjà une demie-heure. Le soleil commence à chauffer, incapable de résister au sommeil, je m’endors à mon tour.












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