Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

mercredi 24 décembre 2014

Jour 30

LE RÊVE

Nous arrivons à l’hacienda en début d’après-midi et sommes reçus par les deux potières qui gèrent l’atelier. Il y a plein de places disponibles au gîte, et après les mots de bienvenue, Claudia et Paola nous suggèrent d’aller poser nos affaires et nous installer dans nos chambres. Avec Arnaud, nous choisissons un bungalow un peu à l’écart, au bord d’un terrain qui descend en pente après la terrasse du bungalow. Il y a une vue magnifique sur le paysage alentour et sur la mer, à huit kilomètres. Les potières nous ont donné rendez-vous deux heures plus tard pour une collation de bienvenue et pour nous expliquer le fonctionnement des lieux. Nous en profitons pour faire une petite sieste.

Nous sommes six nouveaux arrivants, et Claudia nous explique le déroulement d’une journée type pour les gens qui veulent faire de la poterie. Puis elles nous emmènent à l’atelier où travaillent déjà quatre autres personnes.

On commence à 9h le matin. Chacun doit avoir un projet à réaliser; elle ou Poala sont là pour nous conseiller sur sa réalisation et nous enseigner la meilleure technique pour le faire. Elle spécifie que pour mener à bien un projet jusqu’à la cuisson finale, il faut bien compter quinze jours. Il y a des temps de séchage à respecter, les cuissons n’ont pas lieu tous les jours, etc.

Va pour quinze jours minimum, voire plus, si l’aventure nous plaît.

Quand Arnaud découvre les émaux à disposition, il décide de faire du tour. Il va faire des grands plats et les décorer, jouer avec les émaux, et même faire des décors à l’or. Ana veut faire de la sculpture, Z. ne sait pas encore, quant à moi, je suis inspirée pour faire une fontaine.

Nous allons chercher des vêtements d’atelier dans le dressing collectif. J’attrape un grand tablier de jardinier que je passe par-dessus un t-shirt ample et un legging. Ana enfile une chemise d’homme par-dessus ses habits, Z. et Arnaud ont trouvé chacun un bleu de travail qui leur convient bien.

Première étape, taper la terre. Claudia nous donne un petit cours de théorie sur l’argile. On dit «terre», il s’agit en fait de roche sédimentaire. L’eau érode la roche en fines particules qui se déposent généralement dans les rivières. Ces particules très fines sont polarisées et s’organisent en plaques minuscules collées les unes aux autres par magnétisme, c’est ce qui fait la plasticité de l’argile.

Battre la terre sert à chasser l’air de la matière et à assouplir la motte afin de pouvoir modeler les objets. Elle doit être de bonne consistance, ni trop sèche, car elle devient cassante, ni trop molle, car elle devient collante. Pour le tour, il faut faire une boule en faisant bien attention de ne pas enfermer une bulle d’air en la façonnant.

Arnaud et moi nous mettons au tour, car pour ma fontaine, j’ai besoin d’un socle et d’une pièce tournée. Il faut coller la boule de terre au centre de la girelle (la plaque métallique qui tourne) et centrer sa terre en imprimant une pression des deux mains. Paola fait une démonstration, et puis c’est à nous. Je tape ma boule, je démarre le tour. Je centre ma terre en quatre ou cinq mouvements. Arnaud soupire et transpire, sa terre spirale méchamment. Puis il voit ce que je viens de faire et me regarde, hébété. J’éclate de rire.

— Comment t'as fait?

J’avoue:

— Personne n'a rien demandé, alors je n'ai rien dit, ça m'amusait. J’ai été potière pendant sept ans quand j’étais plus jeune, mais ça fait un moment que je n’en avais pas refait. Je suis contente, je n’ai pas rien perdu de ma technique.

Après le centrage, il faut creuser la boule au milieu, toujours avec des gestes progressifs pour ne pas décentrer l’objet. Ensuite, il s’agit d'appliquer un pression extérieure et intérieure égales pour amincir et monter la paroi. Ensuite, on donne la forme à son objet. C’est très facile à expliquer, nettement moins à maîtriser. Arnaud peine, il lui faut plusieurs tentatives pour arriver à faire un pot à peu près satisfaisant. De mon côté, je fabrique quelques bols tous simples, histoire de retrouver la main.

Ana a pris un gros morceau d’argile chamottée. C’est une terre à laquelle on a ajouté une argile cuite à 700° puis concassée et mélangée à l’argile crue. Ça lui donne un maintien et une meilleure solidité à la cuisson. Elle est en train de modeler un ange qui promet d’être magnifique. Z. est dans le non-figuratif, il joue avec la terre, teste l’elasticité, observe à quel moment elle se déssèche. Il avoue n’être pas inspiré.

L’ambiance est détendue et calme. Chacun est concentré sur sa création, les conversation sont plutôt laconiques. Les heures filent sans que nous ne nous en rendions compte. Le soir, nous sommes curieusement épuisés. Paola expliquera plus tard que l’argile est très absorbante et qu’elle tire aussi les énergies. C'est pourquoi on l'utilise thérapeutiquement, car elle a aussi des vertus cicatrisantes, régénérantes. Quand on la travaille longtemps, elle pompe notamment la silice du corps avant que de la régulariser. C’est pourquoi cette étrange fatigue les deux ou trois premiers jours d’un stage de poterie.













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