Le paradis TERRESTRE... Si on s'y mettait ?

mercredi 18 février 2015

Jour 85

LE RÊVE

Nous sommes donc désormais dix adultes et un ptit bout à faire vivre le mas Alacalo. Voilà qui me réjouit. J’aime initier des nouvelles choses. Evelyne m’a formellement demandé de ne rien dire de son projet pour l’instant, elle aimerait d’abord passer quelques jours tranquillement ici, sans penser à rien, se mêler à la communauté et vérifier que la synergie peut exister entre les gens et ses nouvelles idées. 

Après le petit déjeuner, tout le monde s’attelle à la tâche. Nous avons presque fini le ranch, les finitions sont faites, il ne reste que quelques meubles à aller chercher. Nous optons pour le troc car notre budget est restreint.

L’expédition mobilier est menée par les filles après avoir écumé les sites de dons. Nous avons trouvé à Alès un brocanteur qui consacre une partie de sa surface pour l’entrepôt des meubles dont les gens ne veulent en attendant que d’autres viennent les chercher. Nous ramenons une jolie collection de buffets, bureaux, étagères et petites armoires apparemment hétéroclites. Quelques-unes requièrent de la rénovation, ce à quoi nous nous atelons les jours suivants. Les idées originales fusent. On ponce, on teinte, on vernit, on peint, même, une petite commode à laquelle on n’arrivait pas à redonner une jolie patine. Recouverte d’une couleur flashy, elle prend soudain une allure particulière. Voilà qu’un style est en train d’émerger. D’autres petites meubles sont peints à leur tour, créant une harmonie de teintes tout à fait originales. Les chambres prennent alors très belle allure, elles ont leur caractère particulier, et de l’avis de nos jeunes, elles iront parfaitement à des ados. 

— C’est rebelle mais pas violent, synthétise Pablo.
— Moi, ça me donne envie de ranger ma chambre, déclare Viviane. 

C’est une réussite. À la pause de midi, Arnaud exprime son besoin d’aide pour le chantier des ateliers. 

— Le sous-sol, c’est les stocks et l’outillage d’un côté, le sauna et le hammam de l’autre. Au rez, les ateliers qui sont prévus jusqu’à la toiture, mais quand je vois ce volume jusqu’au faîte du toit, non seulement je me dis que c’est nul de perdre tout cet espace, mais je suis sûr qu’en feng shui, c’est pas bon. La créativité va foutre le camp au sommet. J’ai tort?
— Il faut faire un étage, dit Evelyne.
— OK, mais on met quoi à l’étage?
— Pourquoi pas une surface modulable? Pas de parois fixes, mais de quoi transformer cette salle en diverses choses. Soit une grande salle de conférence ou de yoga, ou un dortoir. Au fond, tu fais une grande salle de bain, puisque les tuyaux d’arrivée d’eau sont de ce côté. Tu peux même faire une entrée par l’extérieur. Un escalier sur le côté de la façade l’embellirait. Je vois même un joli porche et une grande entrée vitrée pour amener plus de lumière.

L’idée est loin d’être idiote, voilà que la matière grise s’échauffe. Après avoir été sur place pour visualiser l’idée, Evelyne est maintenant installée sur la terrasse et dessine des croquis. Moment de tempête de cerveau, comme disait Astérix (brainstorming) où chacun y va de sa proposition que ma fille intègre ou rejette, selon qu’elle est concevable ou non. L’idée d’une grande salle polyvalente est retenue à l’unanimité. Evelyne passe le reste de la journée à prendre les mesures de la bâtisse avec cet appareil au laser qui me fascine qui, d’un simple rayon lumineux, donne les cotes au milimètre près, puis elle se met à l’ordinateur pour dresser les plans.

— Je croyais que tu voulais quelques jours de vraies vacances, ma fille, lui dis-je.

Elle me sourit et fait un geste pour désigner le paysage alentour.

— Mais regarde: c’est les vacances!

Le printemps est là, il fait doux. Le soleil commence à vraiment chauffer et il suffit d’un pull pour être tout à fait confortable sur la terrasse. Son petit joue dans l’herbe avec un chat.

— Et puis je ne te cacherai pas que ce projet de salle est parfait pour que j’expérimente une ou deux choses que j’ai dans la tête pour des parois modulables.

Un peu plus tard, Ana, Zee, Arnaud et moi faisons une séance adminstrative. D’abord un budget précis. Jusqu’ici, nous avons fait les dépenses qu’il y avait à faire sans compter, sans savoir de quelle bourse l’argent émanait. Nous listons les travaux à faire et les devisons. La comptabilité dans le Réseau est novatrice: en face du coût d’un poste, il n’y a pas forcément un prix en monnaie, mais très souvent un libellé tel que: troc, bénévolat, don, ou un nom. Celui d’une personne experte qu’on connaît à qui on va demander si elle est d’accord de venir faire le travail. En général, l’échange est le room and board (logement et nourriture) et le plaisir de rendre service dans le Réseau. C’est le cas pour l’électricité, Arnaud connaît un Louis que nous allons contacter. Il faudrait néanmoins une idée du prix du matériel, Evelyne pourra sûrement nous en donner une idée globale. 

Nous décidons alors de mettre nos revenus en commun et de tenir des comptes pendant quelques temps, pour ne pas avoir de mauvaises surprises. Je me propose de le faire, ce n’est pas que c’est tellement ma tasse de thé, mais c’est quelque chose que je sais faire, alors que les autres avouent non seulement leur incompétence mais leur dégoût de la chose. 

Nous parlons de cela au repas du soir et Olivier propose de mettre son revenu dans notre caisse. 

— Pas question, dit Arnaud. Le logement n’a jamais été payant dans le Réseau, et puis vous allez avoir un bébé.
— Il y a le revenu de Zara et puis celui du bébé dès qu’il sera là. Moi, j’aime bien votre idée, j’ai envie d’être co-créateur de la maison. Quand ils seront là, j’aimerais bien m’occuper de jeunes. J’ai envie de leur proposer de faire de la musique.

Voilà qui nous ouvre encore des horizons. Nous discutons de l’endroit où faire de la musique. La grande salle polyvalente pourrait s’y prêter, du moins pour une partie, et Evelyne démarre immédiatement la réflexion pour des mesures d’insonorisation complète. 

Notre petite ruche est active et l’énergie qui s’en dégage est contagieuse. Dans l’après-midi, je capture un petit instantané du bonheur. Evelyne est toujours dans ses plans sur la terrasse. À côté d’elle, Ana a sorti des peintures et peint des galets avec Ehlam qui lui, peint surtout ses mains et ses bras. Zee est parti avec son appareil photo et il revient les bras chargé d’herbes médicinales. Il déclare que l’endroit est une mine d’or, il va faire des préparations thérapeutiques. Arnaud est sur internet à la recherche de l’aide dont nous avons besoin avec l’aide d’Olivier. Zara est étendue sur un transat, Viviane aussi, elle lit et Pablo arrose le jardin.

— J’aimerais bien tricoter de la layette pour mon petit, déclare Zara, mais je sais pas faire.
— Je t’apprends volontiers, dis-je.
— Ouais?
— Bien sûr, je vais adorer ça. 
— On va acheter de la laine?
— Tu sais quoi, j’ai même envie de la filer. On regarde si on trouve quelqu’un qui a des moutons dans la région? Pour un bébé, il faudra de la laine d’agneau. Il faut aussi que je trouve un rouet.
— Cool, tu sais filer la laine?
— Je sais.









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